L’ANCCEF souhaite ici partager avec vous un panorama des réflexions et documents accessibles autour de ce sujet. Notre collègue, Laurence Perrin, nous livre les réflexions que lui inspire cette question. — Anccef - Association nationale des conseillers conjugaux et familiaux

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L’ANCCEF souhaite ici partager avec vous un panorama des réflexions et documents accessibles autour de ce sujet. Notre collègue, Laurence Perrin, nous livre les réflexions que lui inspire cette question.

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On pourrait se demander d’abord, qu’est-ce qui fait que la question se pose ?

Est-ce à cause d’une éventuelle augmentation de la fréquence des situations rencontrées évoquant ce sujet ? ou de la complexité des notions sous-jacentes ? ou d’un possible affolement de certains établissements scolaires (ou d’autres lieux collectifs) ou parents qui sollicitent les CCF ?

Les CCF ont pourtant bien l’habitude d’accueillir, d’écouter, d’entendre, de créer un espace contenant où la ou les personnes peuvent se dire, penser, élaborer par elles-mêmes, évoluer psychiquement, et donc par là-même, peuvent faire bouger leur état de vie, leurs relations…

Qu’est-ce qui fait qu’il y ait « question » ?

- Je reçois en entretien au CPEF* Mathieu**. Mathieu est son prénom usuel car son prénom à l’état civil est Léa. Il a 22 ans. Quelle est son attente ? « je passais devant vos locaux alors je suis entré » me dit-il. Il est sous traitement hormonal, prescrit par son médecin traitant. On fait le tour de nos carnets d’adresses réciproques des « spécialistes » sur le sujet dans notre région et aussi du milieu associatif. Au passage, il avance précisions et nuances de vocabulaire qui semblent importantes pour lui : il manie ces notions mieux que moi, même si j’entrevoie aussi des points un peu flous dans son discours mais peu importe. Pourquoi, pour quoi est-il entré au CPEF, je me le demande intérieurement jusqu’à ce qu’il me dise : « Le monde est hypocrite et manipulateur » m’avance-t-il. Je lui demande alors ce qui lui fait dire cela. Il me parle donc de ses lieux de stage où certains maitres de stages et collègues veulent l’appeler Léa, de ses parents, de sa famille, de son coming out il y a 1 an, de ses déceptions, de son couple, de son ex-couple, de la communauté LGBTQIA+ qui, d’après lui, « ne juge pas et est sans embrouille ». Il a du mal à nommer ses passions, ses rêves, les animaux peut-être, l’informatique aussi énonce-t-il. Je lui demande si cette question de genre a pris ou prend beaucoup de place dans sa vie. Il me répond « oh oui ». Nous faisons alors tranquillement un état des lieux et des relations où ils se sent bien ou moins bien, de ses désirs, nous resituons tout cela dans un présent, un passé, un futur, dans des souvenirs et des projets. Nous parlons estime de soi, confiance en soi, amour de soi aussi. Je le vois s’animer, se vivifier, trouver des idées d’actions concrètes. Je me dis que je suis dans un entretien CCF pas si différent d’un autre. Donc, finalement, pas si envahissante que ça la question du genre …

- Je reçois en Juin 2021 un appel d’une infirmière d’un établissement scolaire de 1500 élèves. 10 élèves (d’après mes calculs = 0,7% des élèves) étaient recensés être ouvertement en question sur leur genre et posaient cette question dans le quotidien : internat, toilettes, sports, appréciations genrées sur les copies etc… En nous y rendant, nous avons bien senti que tout le monde disait avoir la bonne attitude, sans avoir du tout la même d’ailleurs : adultes qui disaient devoir parler du sujet par de la communication ou divers travaux et ateliers, ou d’autres qui souhaitaient en parler un peu moins, ou d’autres encore qui désiraient simplement se mettre en état de veille pour qu’il n’y ait pas de discrimination et certains autres qui allaient ne pas en parler du tout : enfin tout le monde disait avoir la bonne attitude. Les élèves aussi d’ailleurs : ceux qui soupiraient « ah, on en a marre d’en entendre parler » ou ceux qui se réjouissaient « il est grand temps d’en parler ». Pour nous aider, arrive en septembre 2021 la circulaire du 29 septembre 2021 « pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire ». Bon, ça va nous aider et ça va aider les établissements scolaires ! Elle a en effet apaisé les choses car chacun pouvait s’y référer, l’étudier, jeunes, familles, enseignants, conseillers principaux d’éducation, infirmières, CDI. Pendant l’année scolaire qui a suivi, notre rôle a été d’aider au dialogue des uns avec les autres, d’accompagner quand on sentait des stigmatisations des uns par les autres pour qu’il y ait moins de mots ou de faits blessants. Mettre au travail les compétences psycho-sociales pour ne pas figer les préjugés et représentations diverses, n’est-ce pas un des rôles des CCF, voire même d’ailleurs le cœur de notre métier en Education à la Vie Affective, Relationnelle et Sexuelle. Donc finalement, pas si envahissante que ça la question du genre, et bien positif comme support de travail.

- Les entretiens avec les parents d’adolescents en question sur leur genre ne sont pas différents d’ailleurs : ils viennent en CCF souhaitant chercher des informations, ou dire leur acceptation ou leur amour ou confiance dans leur jeune ou déposer leurs désirs de le soutenir ou leurs peurs, doutes, culpabilités, voire colères ou hontes ou mésententes ou conflits. Ils viennent présentant leurs croyances, milieux de vie, liens avec la famille où ils ont grandi, amis etc … mais ce n’est pas le seul sujet où les parents viennent avec de telles attitudes ! Notre travail est d’aider ces parents à cheminer, sans trahir les confidences de leur jeune. Un peu pompeusement, on pourrait dire qu’on a l’habitude de tels entretiens, c’est quand-même un peu vrai …. Donc finalement, pas si envahissante que ça la question du genre…. ou serions-nous parfois envahis ou suis-je envahie par mes propres questionnements ?

Alors, comment la question du genre se pose-t-elle aux CCF ? Et si nous revenions à notre cœur de métier, à ce qui forme notre pratique quotidienne. Alors plus libres de nos propres projections et représentations, nous oserons là-aussi la rencontre, sécurisante, bienveillante, contenante, inattendue et toujours nouvelle.

Nous avons à nous documenter pour répondre aux questionnements, ou savoir vers qui orienter. Mais nous avons aussi et surtout à aiguiser notre écoute comme nous le faisons à chaque fois que quelqu’un rentre en entretien CCF ou que le téléphone sonne.

 

Laurence Perrin

Conseillère Conjugale et Familiale

en CPEF à 50% ETP en cabinet libéral aussi

 

• * CPEF : Centre de Planification et d’Education Familiale : nous ne sommes pas encore Centre de Santé Sexuelle malgré la loi de Février 2022 (double hiérarchie : hôpital et département : n’ont pas évoqué ce sujet ensemble)

• ** prénom d’emprûnt