Témoignage de Caroline GROS - Annonay (07) - « La parentalité dans ma pratique quotidienne de conseillère conjugale et familiale » — Anccef - Association nationale des conseillers conjugaux et familiaux

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Témoignage de Caroline GROS - Annonay (07) - « La parentalité dans ma pratique quotidienne de conseillère conjugale et familiale »

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La parentalité : un sujet que je rencontre fréquemment depuis mes débuts de conseillère conjugale et familiale. Souvent la parentalité s’annonce clairement, les personnes viennent consulter volontairement sur le sujet. Mais il existe aussi d’assez nombreux entretiens durant lesquels la question de la parentalité s’invite subrepticement, là où peut-être nous ne l’aurions pas attendue, là où la personne qui nous parle n’avait pas imaginé la trouver.

Penser son rôle de parent, c’est le plus souvent être invité à trouver un chemin entre des extrêmes : rester à l’écoute tout en posant des limites, assumer sa responsabilité de parent tout en laissant à son enfant l’espace d’exercer sa responsabilité à lui, rester fidèle à ses valeurs en acceptant les priorités parfois contradictoires de son enfant,… Accompagner des parents et des enfants, c’est aussi naviguer avec le plus de délicatesse possible dans ce domaine où l’affect est si présent, où la culpabilité s’invite si facilement, où les enjeux sont parfois lourds, où le rapport de chaque parent à sa propre enfance a toute son importance, où les modèles d’un idéal à atteindre fleurissent un peu partout.

Salariée du Planning Familial pendant plusieurs années, Je recevais anonymement et gratuitement les personnes qui s’y présentaient. Ces entretiens m’apportaient parfois leur lot de parents perdus et en questionnement. Il s’agissait surtout de parents d’adolescents, aux prises avec leurs questions autour de l’autorité, des limites, de la communication. La délicate question de laisser expérimenter l’adolescent tout en posant un cadre juste pour l’enfant et le parent revenait régulièrement. Parfois aussi c’étaient les adolescents qui venaient déposer leur souffrance dans leur relation avec leurs parents.

Un papa qui élevait seule sa fille était venue me trouver, ne sachant comment endiguer la lente crise qui s’installait et qui peu à peu avait mené sa fille de 15 ans à s’enfermer dans sa chambre jour et nuit avec ses écrans, n’allant plus en cours. L’enjeu est alors d’accompagner le père et d’entendre toute sa souffrance, à son rythme, tout en prenant la mesure de la situation et de sa gravité. La jeune fille ne s’était jamais présentée à un des entretiens avec son père, terrée dans sa chambre et le père, perdu et se sentant coupable, ne prenait que de plus en plus conscience d’une situation qui le dépassait et le plaçait de surcroît hors-la-loi, sa fille ne fréquentant même plus un établissement scolaire à un âge où elle y était obligée. Les difficiles prises de conscience de ce père avait peu à peu permis qu’il accepte de trouver des aides extérieures pour pallier à ses difficultés à assurer à ce moment-là tous les soins qu’il estimait devoir prodiguer à sa fille.

Il y a aussi eu ces parents venus parler de leur difficulté à accompagner leur fille victime de harcèlement via les réseaux sociaux. La jeune fille n’était pas là, cette fois encore. Mais le plus jeune fils avait suivi ses parents à cet entretien. Quelle ne fut pas la surprise des parents lorsqu’il avait tout à coup investi cet espace de parole pour déverser sa colère, sa solitude, le sentiment de délaissement qu’il ressentait de la part de ses parents qui se concentraient depuis des mois sur leur fille aînée en difficulté.

Et que dire des mamans qui accompagnaient régulièrement leur fille venue solliciter une IVG ? Où la parentalité s’arrête-t-elle ? N’est-elle pas la façon dont les parents vivent leur rôle à tout âge ? Que de fois j’ai eu également un entretien avec ces mamans, dont beaucoup d’entre elles se sentaient un peu perdues et ne savaient comment être présentes auprès de leur fille, empêtrées selon les cas dans la surprise de découvrir si concrètement une vie sexuelle à leur fille, l’envie de la soutenir, la peur de ne pas être à la bonne place et de mal faire, leur propre représentation de la grossesse.

Depuis que j’exerce en libéral, les questions de parentalité que je rencontre se centrent souvent plus sur des parents d’enfants plus jeunes. La période du confinement a été propice aux entretiens à distance au cours desquels les parents s’interrogeaient sur ces nouvelles relations familiales non-stop, sans plus de respiration possible à l’extérieur : comment vivre toujours ensemble, comment assurer tous les rôles de la maîtresse d’école à la maman affectueuse, comment donner à chacun sa place, comment écouter ses propres besoins en tant que parent… Rien que de très banal, si ce n’est que la période était propice à l’exacerbation de ces thèmes.

Je note par ailleurs une nette augmentation des entretiens sollicités par des parents s’interrogeant sur la question des choix éducatifs, et notamment le choix d’un maternage dit proximal. Ces parents sont souvent désireux d’offrir le meilleur cadre possible à leur enfant pour qu’il puisse s’épanouir le plus possible. Il n’est pas rare que ces parents aient vis-à-vis d’eux-mêmes une exigence très forte. La façon dont certaines mamans apportent en entretien leurs questions autour de l’allaitement à la demande ou du cododo, s’il devient trop sollicitant à la longue, vient remettre sur le tapis les mêmes questions sous un autre jour : comment offrir à son enfant le meilleur tout en se respectant soi-même ? Des Choix faits avec enthousiasme et conviction deviennent parfois difficiles à remettre en question pour le parent, réveillant des culpabilités ou des angoisses inattendues. La question du regard de l’autre, de la famille notamment, est également souvent posée pour certains parents qui pourraient se sentir jugés par l’attitude peu enthousiaste de leurs proches face à leurs choix parentaux. Je note aussi beaucoup de parents très renseignés, qui ont beaucoup lu d’ouvrages consacrés à la parentalité, parcouru beaucoup de forum sur internet et qui viennent dans mon cabinet tenter de concilier cet idéal parental auquel ils croient et la réalité pragmatique de leur quotidien de parent et de leur enfant.

Finalement pour moi l’enjeu est toujours de rester à l’écoute des uns et des autres, de reconnaître la réalité de l’expérience de chacun, de donner la place à toutes les émotions et réactions. CE n’est qu’ensuite que les parents pourront imaginer des débuts de solutions concrètes. Parfois, le deuil d’une parentalité sans heurt, spontanée et fluide où tout se passerait en douceur sera le passage indispensable pour des relations familiales plus sereines, plus fluides et plus respectueuses de chacun. La parentalité, pour se vivre ainsi tout en offrant un cadre approprié à l’enfant, reste une expérience source de questionnements tout au long de la vie de parents.